Vers un Web des IA [Partie 3] : Quelle gouvernance pour un Web dominé par les IA ?
Dans les précédents articles, nous avons exploré comment les modèles génératifs sont devenus des agents IA et comment le protocole MCP permet leur interconnexion structurée. Aujourd’hui, examinons les enjeux critiques que représente la gouvernance de ce Web émergent, dominé par les intelligences artificielles.
AI GOVERNANCE
Mohamed NAJIB PhD
5/9/20253 min read
3. Une décision sociétale autant que technologique
La bifurcation potentielle du Web n’est pas uniquement une question technique, mais aussi un enjeu profondément sociétal. Elle nous oblige à nous poser une question fondamentale : souhaitons-nous un Web ouvert où humains et intelligences artificielles interagissent librement, ou préférons-nous préserver des espaces exclusivement humains, protégés d’une éventuelle intrusion technologique ?
Cette réflexion dépasse largement le cadre technologique et nous invite à réévaluer notre rapport au numérique, à la technologie, et finalement, à notre propre humanité.
Face à ces défis, l’Europe pourrait jouer un rôle stratégique en définissant rapidement un cadre réglementaire et technique adapté à ce nouveau Web en construction qui irait au-delà de l'AI Act qui s'inscrit dans le cadre du Web classique. Une régulation efficace permettrait non seulement de préserver la souveraineté technologique du continent, mais aussi d'offrir une garantie de transparence et de sécurité aux utilisateurs.
Dans le prochain de cette série, nous aborderons spécifiquement les implications politiques et sociétales des assistants personnels IA, et leur impact potentiel sur notre liberté individuelle et collective.
1. Des enjeux techniques aux enjeux politiques
La mise en place d’un Web structuré autour des IA pose plusieurs défis majeurs :
Sécurité et authentification : Avec l’essor des agents IA autonomes, garantir l’authenticité et la sécurité des interactions devient une priorité absolue. Cela implique une authentification rigoureuse, une gestion fine des autorisations, ainsi qu'un chiffrement systématique des échanges.
Traçabilité et auditabilité : Chaque interaction réalisée par les agents IA doit être traçable et auditée pour éviter les abus, assurer la responsabilité des utilisateurs et prévenir les dérives potentielles.
2. Vers une bifurcation du Web ?
Malgré l’arrivée de ce nouveau protocole dédié aux applications IA, par défaut, les applications IA tournent encore aujourd’hui au-dessus du Web classique. Cette intégration permet aux applications IA de profiter de l’infrastructure existante. Si nous continuons sur cette trajectoire, les usages humains de l’internet vont se concentrer sur les réseaux sociaux. Ces réseaux constitueront probablement le cœur de l’usage d’Internet pour une majorité d’humains, répondant à leur besoin fondamental d’interaction sociale.
Quant aux autres usages non sociaux, tels que les tâches plus administratives ou techniques, elles seront progressivement déléguées à des assistants IA personnels chargés d’interagir efficacement avec les applications IA en ligne. Ces assistants nécessiteront une sécurisation rigoureuse et une identité numérique clairement référencée avec naturellement des enjeux majeurs de souveraineté.
Pour des raisons d’inertie et de gains opérationnels, il est probable qu’il n’y ait qu’un seul web dominé par l’IA. Cette domination du web ne se fera ni par la force, ni par la ruse mais avec notre bienveillance à tous. Car nous préférons déléguer des tâches ingrates à l’IA plutôt que d’aller naviguer sur la toile de site internet en site internet en scrollant des pages en quêtes d’information.
Cela étant, à long terme, deux visions opposées pourraient émerger quant à la gouvernance du Web :
Une intégration complète : un Web unique où humains et agents IA coexistent sans distinction claire, au risque de voir progressivement disparaître les espaces exclusivement humains.
Une séparation claire : deux espaces distincts et clairement définis – un Web sécurisé, structuré et régulé pour les IA, et un Web humain préservant des espaces d'expression authentiques et une autonomie cognitive complète.
Cette deuxième option pourrait s’appuyer sur des protocoles spécifiques, des mécanismes de preuve d’humanité (proof-of-humanity) et des navigateurs certifiés « sans IA » pour assurer une séparation nette entre ces deux mondes.

